Maria Kakogianni. Le ressac bat son tambour…

Immersion in situ

Moins connue qu’Œdipe qui fait un choix aveugle, moins exaltée qu’Antigone qui érige un choix fort refusant les lois de la cité, Iphigénie est celle à qui le choix semble refusé. Que faire alors ? Quelque chose de ce qui organise notre présent semble aux prises avec les cauchemars d’Iphigénie. Dans la légende d’Iphigénie, la jeune vierge devait être sacrifiée pour permettre aux bateaux de quitter Aulis pour la guerre de Troie. Aujourd’hui, c’est Aulis qui est une terre sacrifiée aux dieux de l’industrialisation et de l’extractivisme. Alliant le récit documentaire et la fiction, Iphigénie à Kos, texte de Maria Kakogionni est un monodrame avec un seul personnage mais une multitude de voix, donc celle du chœur tragique dont nous faisons également partie. Comment habiter nos mythes et nos terres ravagées ? Nous serons pour un jour au moins ce chœur qui assiste au déroulement du drame, commente, débat, rebondit dans les interstices du texte tissé de sons issus de plus d’une langue, langues maternelles égarées, bigarrées, récoltées au bord de l’amer, là où tout annonce qu’il n’y a pas d’alternative. Maria Kakogianni nous propose de renouer avec une pratique où la lecture est une expérience partagée, où l’écoute, ses torsions et distorsions sont au chœur d’une aventure collective au cours de laquelle sens et sonorités se confondent, s’affrontent, et parfois se noient.

Écrivaine et philosophe, Maria Kakogianni est née à Athènes en 1978. Depuis une dizaine d'années, elle enseigne à Paris 8, Paris-Diderot et Paris-Dauphine mais aussi dans des institutions artistiques ou des tiers-lieux où elle propose régulièrement des séminaires. Ainsi, elle expérimente des formes de transmission et d’écriture, notamment au sein du collectif interdisciplinaire kom.post qui explore des dispositifs in situ aux multiples formats (création radiophonique, installation plastique, ou dispositif expérimental de conversation). Elle a publié entre autres Printemps précaires des peuples (Divergences, 2017) et récemment Ivre décor, un recueil de six nouvelles entre fiction littéraire et philosophie (Hippocampe, 2020).